DOCERE

Victor Hugo

« Pour les vaincus, la lutte est un grand bonheur triste
Qu'il faut faire durer le plus longtemps qu'on peut. »

— Victor Hugo, La Légende des siècles, éd. Gallimard, p. 90

« Mon péristyle semble un précepte des cieux;
Toute loi vraie étant un rythme harmonieux,
Nul homme ne me voit sans qu’un dieu l’avertisse;
Mon austère équilibre enseigne la justice;
Je suis la vérité bâtie en marbre blanc;
Le beau, c’est, ô mortels, le vrai plus ressemblant; »

— Victor Hugo, La Légende des siècles, éd. Gallimard, p. 205

« Sachons mener à bout, sans égoïsme vain,
Notre travail humain sous le travail divin;
Si l'orgueil vient, broyons du pied cette couleuvre,
L'homme est l'outil, Dieu seul est l'ouvrier de l'œuvre,
Donc servons pour servir, avec simplicité.
Sans avoir pris de grade à l'université
Et sans être nommé recteur par le ministre,
Le blond soleil dissout l'ignorance sinistre.
Éclairons comme lui, non pour nous, mais pour tous,
Et faisons gravement ce que Dieu fait pour nous.
Je crois; cela vaut-il qu'on m'adore? Je pense;
Cela mérite-t-il aucune récompense?
Je vois; mais c'est déjà posséder tout que voir!
Hommes, jusqu'au martyre acceptons le devoir;
Souffrons, aimons; soyons l'apôtre, soyons l'ange,
Et ne demandons rien, pas même une louange. »

— Victor Hugo, La Légende des siècles, éd. Gallimard, p. 798

« Tout ce qui sur la terre à cette heure est debout,
Même les innocents sous leurs pieds, ont partout
Quelque chose de Dieu que dans l’ombre ils écrasent. »

— Victor Hugo, La Fin de Satan, éd. Populaire Illustrée, p. 70

« La solitude vénérable
Mène aujourd'hui l'homme sacré
Plus en avant dans l'impénétrable,
Plus loin dans le démesuré. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 253

« J’avais devant les yeux les ténèbres. L’abîme
Qui n’a pas de rivage et qui n’a pas de cime,
Était là, morne, immense; et rien n’y remuait.
Je me sentais perdu dans l’infini muet.
Au fond, à travers l’ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m’écriai : — Mon âme, ô mon âme! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n’apparaît,
Et pour qu’en cette nuit jusqu’à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des millions d’arches.
Qui le pourra jamais? Personne! ô deuil! effroi!
Pleure! — Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetais sur l’ombre un œil d’alarme,
Et ce fantôme avait la forme d’une larme;
C’était un front de vierge avec des mains d’enfant;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l’abîme où va toute poussière,
Si profond, que jamais un écho n’y répond;
Et me dit : — Si tu veux, je bâtirai le pont.
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.
— Quel est ton nom? lui dis-je. Il me dit : — La prière. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 395

« Quelle nuit! le semeur nié par la semence!
L'univers n'est pour eux qu'une vaste démence,
     Sans but et sans milieu;
Leur âme, en agitant l'immensité profonde,
N'y sent même pas l'être, et dans le grelot monde
     N'entend pas sonner Dieu! »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 412

« C'est une double issue ouverte à l'être double.
Dieu disperse, à cette heure inexprimable et trouble,
Le corps dans l'univers et l'âme dans l'amour. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 450

« Nier l'Être! à quoi bon? L'ironie âpre et noire
Peut-elle se pencher sur le gouffre et le boire,
     Comme elle boit son propre fiel?
Quand notre orgueil le tait, notre douleur le nomme.
Le sarcasme peut-il, en crevant l'oeil à l'homme,
     Crever les étoiles au ciel? »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 465

« Monter, c'est s'immoler. Toute cime est sévère.
L'Olympe lentement se transforme en Calvaire;
     Partout le martyre est écrit;
Une immense croix gît dans notre nuit profonde;
Et nous voyons saigner aux quatre coins du monde
     Les quatre clous de Jésus-Christ. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 466

« Le deuil est la vertu, le remords est le pôle
Des monstres garrottés dont le grouffre est la geôle;
     Quand, devant Jéhovah,
Un vivant reste pur dans les ombres charnelles,
La mort, ange attendri, rapporte ses deux ailes
     À l'homme qui s'en va. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 531

« Les enfers se refont édens; c’est là leur tâche.
Tout globe est un oiseau que le mal tient et lâche.
     Vivants, je vous le dis,
Les vertus, parmi vous, font ce labeur auguste
D’augmenter sur vos fronts le ciel; quiconque est juste
     Travaille au paradis. »

— Victor Hugo, Les Contemplations, éd. Le Livre de Poche, p. 531